Vivre une vie extrême No.35 - Journaux intimes de Monsieur Yamano

Mercredi 9 janvier 2002

J'ai trouvé hier des photos horribles. De nombreux enfants difformes en Iraq. Ils sont nés des parents exposés à la radioactivité des déchets des obus à uranium appauvri que les armées anglo-américaines avaient lancés. Des figures dépassant toute imagination. Pourquoi des civils doivent-ils subit de tels ravages cruels ? Pourtant la Grande Bretagne et les Etats-Unis sont des états ou l'on compte beaucoup de chrétiens. La foi chrétienne, aussi bien que la foi musulmane, interdit de tuer. Mais des gens qui confessent ces religions se tuent les uns les autres. A la vue des photos des enfants iraqiens difformes, je me rends compte de l'immensite, la profondeur et la gravité des péchés des hommes et j'ai prié.

Mardi 15 janvier 2002

D'après l'expérience que j'ai eue en tant qu'accusé d'un procès pénal, les procès dans les cours japonaises ne se déroulent jamais de façon juste et équitable. Les 98 pour cent des accusés sont déclarés coupables, et leurs peines sont arrêtées aux 85 pour cent des punitions demandées. On ne trouverait nulle part ailleurs dans le monde un taux de culpabilité aussi élevé qu'au Japon. Ce n'est pas grâce à l'efficacité des policiers et des procureurs, ni à la compétence des juges. Mais à mon avis, le caractère du peuple japonais y joue un role important. Les gens obéissent à l'autorité des gouverneurs, une tradition qui date de la période Edo où les gouverneurs dominaient les gens.

Etre inculpé d'un crime, c'est se voir privé de sa dignité humaine et se faire l'objet d'un mepris de la part des autorités et du peuple commun. Les interrogatoires sont conduits de façon arrogante et il arrive que l'on vous accuse d'une infraction plus grave que la realité. Et dans la plupart des cas, les juges y font une confiance aveugle. Les accusés qui sont des gens du peuple commun, peu instruits du systeme judiciaire, et enclins a accepter ce que leur dictent les autorités, y resistent rarement. On trouve peu d'avocats qui se mobilisent pour chercher eux-meme des preuves en faveur de leurs clients.

On pourrait même déduire d'une accusation sa sanction d'une façon automatique, ce que l'on appelle des jugements de marché. Les juges conduisent rarement des enquêtes ni des examens à leur propre compte, sur ce qui se cache derrière chaque cas particulier. Les jugements sont arrêtés comme des routines. Les accusés, même s'ils ont de bonnes raisons pour se défendre, ne peuvent pas tenir tête aux procureurs qui se fondent sur la logique des lois et des preuves. Privés de liberté et dépourvus de ressources financières, ils ne peuvent pas se défendre contre le tout puissant systeme des procureurs.

Souhaitons qu'au Japon, les avocats soient munis d'un pouvoir beaucoup plus élargi.

Mardi 22 janvier 2002

Des personnalités connues ou des intellectuels, interrogés sur la question de la peine capitale dans des interviews radiodiffusées, sont unanimes pour son maintien. Leur réaction catégorique me surprend. Ils croient encore aujourd'hui que beaucoup d'états dans le monde appliquent la peine capitale. Les Européens, au contraire, ne connaissent pas que le Japon pratique la peine de mort.

Un journal rend compte du cas d'une femme quinquagénaire qui est revenue de la mort vingt minutes après que son médecin l'avait constatée morte. On s'appretait aux funérailles. Que se serait-il passé, si elle avait consenti à offrir ses organes après son d´cès ? On l'aurait tuée pour extraire ses organes puisque l'on veut ces derniers aussi frais que possibles. Cette histoire fait réfléchir sur la transplantation des organes.

L'administration de la Maison a changé des deux tubes fluorescents, de 20 et de 10 W. Comme ma vue baisse, et le plafond est haut de trois mètres, on avait mis un tube supplementaire de 10 W. Les vieux tubes me font la lecture pénible. On dit que dans le Centre de détention de Tokyo, les prisonniers ont droit à deux tubes de 20 W. chacun.

Mercredi 23 janvier 2002

Il fait très froid. Vers 10 heures du matin, Maria m'a rendu visite et m'a apporté beaucoup de bonnes nouvelles qui m'ont rejoui. La famille de mon deuxième fils qui habite à Yokohama a reçu leur deuxième enfant le 17 janvier. C'était une fille. La mère et la petite allaient très bien. Je rends grâce à Dieu. Je compte désormais un petit-fils et trois petites-filles.

Un père résidant à Nagasaki nous a offert un don important pour me permettre de préparer la réouverture de mon procès. Je voudrais le remercier d'une geste aussi encourageante. Je rends gràce à la Mère de Dieu et au Père Kolbe.

Monsieur M., paroissien de l'eglise de Imaichi, à Osaka, à laquelle je suis inscrit, a bien voulu participer au meeting du secretariat de l'association le 16 janvier. Il allait discuter avec les paroissiens sur la question de savoir ce que la paroisse pourra faire pour m'apporter un soutien.

Me Makoto Endo, un avocat connu dans tout le Japon pour ses activités dans la défense des droits de l'homme, a décédé hier à soixante et onze ans. Il était abolitionniste, un homme intègre. On a perdu un avocat authentique et compétent, mais avec lui une conscience précieuse.

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