Vivre une vie extrême No.36 - Journaux intimes de Monsieur Yamano

Samedi 9 février 2002

On nous a servi pour déjeuner de l'anguille grillée. Un morceau de filet qui se mesure à peu près huit centimètres de long, empaquetée en plastique avec de la sauce et d'épices. Délicieuse. On ne nous en servait qu'au jour du taureau, en plein été (d'après une tradition japonaise). Ce fut la première fois que la maison nous en a servi dans le temps ordinaire. En plus, cela est tombé sur un jour chômé. J'ai regretté que le riz cuit qui accompagnait le filet d'anguille grillée était d'une médiocre qualité et perdait d'eau. Depuis un certain temps, je note une amélioration dans la restauration de la maison : de petites langoustines frites couronnant un bol de nouilles, des saucissons agrémentant le bol de riz cuit ou la soupe oden. Les repas sont devenus plus plaisants, grâce aux efforts des détenus cuisiniers.

Dimanche 10 février 2002

Aujourd'hui les principaux membres de mon groupe de soutien, de Kyushu, de Kansai et de Kanto vont se retrouver à "Shiawase no Mura" à Kobe pour avoir une conférence à partir de 10 heures du matin. Maria va les rejoindre. Quelques-uns auraient fait un long voyage. Je leur suis reconnaissant de leurs efforts. À l'ordre du jour, une mise au point des stratégies et les tâches à partager. J'ai prié pour que les débats soient constructifs et fructueux. Tout au long de ces jours fériés, je me concentre pour préparer mon appel pour la réouverture de mon procès et ma déclaration. Encouragé par le soutien de mes amis, je n'épargne aucun effort.

Les États-Unis tentent d'exterminer ceux qui s'expriment contre eux et qu'ils considèrent comme terroristes. Ils considèrent tout État qui ne les suit pas comme ennemi. Ils agissent comme un tyran. Je me demande si la position du Japon qui suit les Etats-Unis est appropriée. Les États-Unis vont réduire à néant tout ce qui est contraire à leur volonté. La Russie, l'Israel, la Chine et d'autres États sautent sur l'occasion pour exterminer les mouvements dissidents. Ils prennent donc la vie et les biens aux civils innocents et détruisent les villes. Faut-il passer sur de tels actes de violence ? Le Japon doit-il continuer à suivre les États-Unis ? Il faut clarifier les raisons pour lesquelles les terroristes agissent. N'est-ce pas plutôt les actes de charité qui mettraient fin aux attentats terroristes ? Que les plus forts soient justes, voilà une idée arrogante qui n'apportera pas la paix.

Lundi 11 février 2002

L'anniversaire de la fondation de l'État japonais et le troisième jour férié dans la maison de détention. Les jours fériés ne cessent d'augmenter. Souhaitons que les Japonais, quel que soit leur âge, sachent les passer d'une façle;on à approfondir leur vie spirituelle.

Un oiseau qui avait pris l'habitude de visiter ma cellule est venu. Il se nourrit de morceaux de pain sur ma main. Le moineau que j'ai nommé "kuro" me rend visite plusieurs fois par jour. Les oiseaux ne se méfient pas de moi. Je les aime bien. Les animaux dans la nature ne se méfient pas des hommes. Que la cohabitation et la coexistence apportent une paix véritable, voilà mon souhait.

Mardi 12 février 2002

J'ai pris mon bain pour la première fois depuis cinq jours, au sortir des trois jours fériés de suite. Comme j'adore le bain, je suis impatient du prochain jour de bain.

Jeudi 14 février 2002

La fête de Saint-Valentin. Les Japonais ont su transformer cette fête en une grande opportunité marchande, tout comme le Noel. Y aurait-il d'autres pays du monde où l'on trouverait de mercantilismes pareils ? On note une considérable augmentation du nombre de détenus dans les centres des détention et prisons japonais. Au centre de détention d'Osaka, la croissance du nombre des détenus dépasse la capacité de l'établissement. Ce qui amène la réduction dans le niveau de service de tout ordre : moins de marchandises à l'intention des visiteurs et des détenus, la fréquence de transferts d'effets personnels réduite à moitié. Moins de visites médicales. Tout est fait pour la moindre satisfaction des détenus et de leurs relatifs. Le Ministère de la Justice ferait-il des efforts pour augmenter ses budgets et le nombre de son personnel ? J'aimerais qu'un État qui se veut une puissance économique et une civilisation développée traitent ses prisonniers dans des conditions qui dépassent le standard international du point de vue des droits de l'homme.

Vendredi 15 février 2002

Le père M. m'a rendu visite vers une heure vingt de l'après-midi, sans prévenir, lorsque je regardais une vidéo-cassette. Il souffrait du coeur et a été hospitalisé en décembre dernier. Il venait de quitter l'hôpital il y a huit jours. J'ai été reconnaissant et intimidé par sa gentillesse. Il avait perdu du poids, mais il était bien sorti d'un état critique. Ce qui m'a rassuré beaucoup. Il continuera à voir son médecin jusqu'à la fin du mois de mars. J'ai communié pour la première fois depuis trois mois, le père m'a quitté dans trente minutes.

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