Vivre une vie extrême No.37 - Journaux intimes de Monsieur Yamano

Mercredi 20 février 2002

Le secrétariat de mon groupe de soutien va se retrouver au café Nikko aujourd'hui. Maria ne pourra pas y prendre part pour accompagner nos petits-enfants. Je suis reconnaissant aux participants de la réunion. J'ai prié pour que les débats soient fructueux. Je me concentre pour ma part sur les dossiers que je soumettrai au tribunal pour la réouverture de mon procès, avis et déclaration [voir note]. Cela avance à un rythme plus accéléré que je pensais. Je les écrirai par ma propre main, pour ne pas embêter la soeur R., qui s'est occupée des dossiers de mon appel pour la réouverture de mon procès.

Au dîner on nous a servi une tranche de melon. Cela faisait longtemps que l'on en servait plus. Le déjeuner a été agrémenté par un plat de pieuvre vinaigré. Les plats rares font un grand plaisir. J'ai mal aux reins depuis longtemps. L'état s'est aggravé ces derniers jours et je souffre d'une peine perçante. La jambe droite entière se crispe comme atteinte de névralgie. À cause de la position assise que l'on me fait prendre toute la journée.

Note : À la septième division criminelle de la Cour régional d'Osaka, à laquelle M. Yamano a soumis son appel pour la réouverture de son procès en octobre 2001.

Jeudi 21 février 2002

Beaucoup de gens disent : "si vous avez tué un homme, vous payerez sa vie par votre vie. Il faut donc maintenir la peine de mort."

Soyons clairs là-dessus. La statistique montre qu'au Japon, parmi les auteurs de meurtre, excepté ceux dont les affaires n'ont pas été éclaircies, le taux des condamnations capitales est aussi bas qu'un pour cent, et que les autres quatre-vingts dix-neuf pour cent des accusés de meurtre sont susceptibles d'un retour à la société. D'après les retentionnistes, les familles des victimes de ces quatre-vingts dis-neuf pour cent ne sont pas contents. Je me demande si les familles des victimes de cet un pour cent des meurtriers sont satisfaites de trouver leurs agresseurs tués. Est-ce la raison de maintenir la peine de mort ? On s'attendrait à de plus amples débats.

Une menace que l'état exerce sur ses citoyens, pour montrer qu'il détient le pouvoir sur leur vie et mort ? Les bureaucrates, eux, pensent-ils devoir exécuter tant que la loi veut la peine de mort ? Dans beaucoup de cas de condamnés à mort, on se demande pourquoi leur appliquer la peine de mort, au lieu de condamnations à perpétuité ou pour durée indéterminée. Il est rare de trouver des condamnés à mort qui ont commis des meurtres multiples, et qui ont semé la peur dans la société. Si la peine de mort est une vengeance qu'exerce la société, il est étrange qu'un pour cent seulement des meurtriers soit vengé, alors que les quatre-vingts dis-neuf pour cent en sont exempts. Voilà une application impropre de la loi.

La charge des officiers des institutions pénitentiaires consiste à corriger et éduquer les criminels. Quant aux condamnés à mort, ils doivent les tuer sans pouvoir les corriger, sans rancune personnelle.

Jeudi 25 février 2002

La famille de mon fils cadet a visité le temple shintoiste pour une fête de sa deuxième enfant le 18 février. Maria m'a envoyé leurs photographies au nombre de 73. Maria, ma fille, ma belle-fille de mon fils aîné et leurs deux enfants se réunissaient. Quatre petits-enfants ensemble, quelle fête ! Les trois petits-enfants grandissaient. Que le Seigneur les bénisse tous !

Dimanche 3 mars 2002

Les incidents dans lesquels j'ai été impliqué ont eu lieu, lorsque mon partenaire avait faussé nos contrats, ce qui a menacé mes affaires. Je devais me défendre contre la violence qu'il exerçait sur moi, et ma défense a amené sa mort. Comme la mort est survenue pendant ma défense, je me suis fais l'auteur du meurtre. Même pour me défendre, j'ai tué un homme. Je ne dis pas que j'ai été sans faute. Je me sens responsable, et je crois devoir racheter ma faute. Je demande pardon à la famille de la victime. J'ai plaidé dans ce sens dès la première instance jusqu'aujourd'hui.

Certains m'accusent : "il prétend tout ce qu'il veut pour se défendre, sans repentir." Ils ne connaissent pas combien l'affaire a été complexe. Ce que je peux déclarer, c'est que je n'ai jamais commis de crimes passibles de la peine capitale. Je refuse résolument l'exécution. J'ai demandé à la famille des victimes de me pardonner pour la part de responsabilité qui m'incombe. Je suis incarcéré depuis vingt ans. Je rachète ma faute maintenant. Ce qui me préoccupe actuellement, c'est de savoir comment agit en tant que chrétien. Jour et nuit, je prie le Seigneur, sainte Marie, saint Joseph, saint Kolbe, sans trouver de réponse pour le moment. Je serais heureux si quelqu'un me donnait une réponse.

Lundi 4 mars 2002

Maria m'a fait parvenir un livret intitulé "Apprendre à partir des cris" destiné à des lectures spirituelles pendant le Carême. Une page de sondage d'opinion y était relié. J'y ai inscrit mon appel pour l'abolition de la peine de mort et demandé à Maria de l'envoyer aux organisateurs de la campagne, Caritas Japon [voir note]. Dans la cour sur laquelle ma fenêtre donne, les pruniers commencent à fleurir. Cette année, les cerisiers aussi fleuriront-ils plus tôt que d'habitude ?

Note : Caritas Japon est un comité des oeuvres sociales sous la Conférence épiscopale du Japon.

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