Vivre une vie extrême No.39 - Journaux intimes de Monsieur Yamano

Samedi 13 juillet 2002

Ma fille m'a offert une couverture de coton comme un cadeau de mon anniversaire. Comme celle que je portait a vingt-cinq ans et est usée jusqu'à la corde, cela m'a fait un grand plaisir. Ma fille avait quatorze ans quand j'ai été arrêté et emprisonné dans le centre de détention d'Osaka. Depuis lors je n'assumais plus ma responsabilité de père. Ma fille m'aime malgré cela. Je lui suis reconnaisant. Hier l'administration de la maison a changé les couvertures de matelas "tatami" de ma cellule. Cela est agréable.

Lundi 15 juillet 2002

Maria et mon frère cadet m'ont rendu visite sous un temps chaud et humide causé par un typhon. Ils verront quelqu'un dans une orgnisation à la recherche d'un avocat, qui me défendrait pour une réouverture de mon procès. On a parlé beaucoup de la question d'avocat et il ne nous restait plus de temps pour parler d'un entretien entre Mme Shuyo et le parlementaire M. Hosaka le 9 juillet, ni de la réunion du comité exécutif le 10 juillet.

J'ai demandé aux membres de la région de Kanto de contacter un avocat à Tokyo, dans l'espoir qu'il interviendra dans ma défense.

Le secrétariat et le comité exécutif ont reçu des donations importantes, de l'argent comptant et des timbres poste. Je remercie les donateurs qui permettent ainsi à mon groupe de soutien de développer ses activités.

Mercredi 17 juillet 2002

Le jour de bain. J'ai été le premier à prendre mon bain, j'ai profité de l'occasion pour me baigner dans de l'eau fraîche, sans en chauffer avec de la vapeur, ce qui est plus agreable en été, sous une chaleur torride qui nous accable tous les jours [voir note]. L'eau me raffraîchit le corps et je transpire ainsi moins au sortir de mon bain.

Dans la soirée j'ai reçu de ma belle-fille qui habite à Yokohama une longue lettre accompagnée d'un gros album de photographies, dans lequel je retrouve mes deux petites-filles en pleine forme. Elles ont deux ans et neufs mois, et cinq mois respectivement.

[note] Les cellules dans les prisons japonaises ne sont pas climatisées en ete, ni chauffées en hiver, pas moins que les salles de réception où les détenus voient leurs familles et visiteurs.

Samedi 20 juillet 2002

Comme la maison de détention d'Osaka se trouve dans le centre de la ville, il y fait une chaleur extraordinaire comme dans une chaudière. La température ne baisse pas même la nuit et cela épuise les détenus. Ce matin, pour la première fois cet été, on nous a servi pour petit-dejeuner un bol de soupe de soja fermenté avec des aubergines. C'est ma soupe favorite, et cela m'a rappelé un autre plat que j'aime bien, des aubergines saumurées. Le jour de taureau tombe aujourd'hui, et on nous a servi de l'anguille grillée, empaquetée dans une couverture de plastic. Depuis l'année dernière on nous en sert de temps en temps, grâce au progrès dans la technique de préparation, tandis qu'autre fois, on ne nous en servait qu'une fois par an, au début du mois d'août. L'anguille a été très bonne. Pour fêter le "jour de la mer" on nous gâte avec de la pâte de fougère arborescente cuite à la vapeur, agrémentée de farine de soja. La pâte était fraîche et délicieuse.

Quelqu'un vous aime tendrement et vous pardonne. Il finit par vous changer en rendant votre coeur bon. Dans le cas contraire, il vous rendra le coeur dévasté. J'examine ma conscience et, honteux, trouve des cas pareils à ce dernier.

Mardi 23 juillet 2002

La maison reçoit pour deux jours la visite des inspecteurs envoyés par les autorités centrales du ministere de la Justice, conformément aux prescriptions du code de la prison. Les inspecteurs auront des entretiens avec des détenus qui s'étaient plaints contre la direction de la maison pour des requêtes rejetées.

On ne sait pourquoi, au centre de détention d'Osaka, la visite a lieu en plein été chaque année, autour du 25 juillet. Je ne manquais pas l'occasion de voir les inspecteurs chaque fois pour leur demander des améliorations dans les conditions de traitement appliquées par la maison, tant par écrit qu'oralement. Mais j'ai abandonné cette pratique depuis l'année dernière: ils mettent trop de temps avant de me répondre, et le tout devenait comme une cérémonie. Les inspecteurs, au lieu de m'écouter sérieusement, regardaient souvent leur montre avec un air impatient, et la garde était si renforcée que l'interview devenait désagréable. Ce qui m'a mis en colère, c'était l'attitude arrogante des officiers de la maison, quand ils m'apportaient des réponses. En plus, on savait d'avance que les demandes que je formulais seraient pour la plupart rejetées.

Vendredi 26 juillet

Vers deux heures de l'après-midi, le père M. vient me rendre visite sous une chaleur torride. Nous avons passé environ une heure à parler. L'administration de la maison avait mis à notre disposition un ventilateur, dans une petite salle au bout du bâtiment. Ce qui nous a quand même permis de prendre le frais un petit peu.

Le nombre des personnes qui se sont donnés la mort au Japon a dépassé le cap de trente mille pour la quatrième année consécutive. La plupart en sont des gens dans leurs quarentaine ou cinquantaine, au plein milieu de leur vie active. Ne s'agit-il pas là d'un phénomène sans égal dans le monde entier?

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